Méditer ou s’aligner avec soi tout en s’ouvrant aux autres
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La fin du déterminisme génétique et la liberté retrouvée grâce à la compréhension de l’épigénétique
Gènes et épigénétique
Dans le premier épisode, nous précisions qu’il existe des hypothèses qu’on a acceptées comme étant des vérités scientifiques qui ont limité et limitent encore aujourd’hui la recherche scientifique notamment en biologie et en santé.
La seconde hypothèse limitante consistait et consiste encore parfois à affirmer que les gènes contrôlent la biologie. Or c’est une vision simpliste de la génétique et ceci est mis en évidence par l’épigénétique.
L’épigénétique change complétement notre conception de la biologie et de la santé car cela évite une vision déterministe en ne considérant plus que notre patrimoine génétique contrôle notre vie. Nous avons appris que les gènes s’activent et se désactivent d’eux-mêmes, ce qui nous donnait une posture de « victime » de notre hérédité.
Cependant, cela ne fonctionne pas comme cela, les gènes sont une sorte de « livre contenant notre information biologique », mais selon comment le brin d’ADN est replié sur lui-même, les pages ne sont pas toutes lues. Tout comme le feraient des trombones, certaines séquences de l’ADN sont mises en évidence pour être lues (et produire une certaine protéine, par exemple) ou au contraire dissimulées entre deux autres pages (et réprimer certains gènes). C’est ainsi que fonctionne l’épigénétique, avec diverses protéines (histones) et molécules (méthylation de l’ADN) en guise de trombones. Et ce « pliage par les trombones » est modulable par nos comportements, notre environnement et la perception de notre environnement !
« Les expériences, les événements, le stress, les traumatismes – comme les autres facteurs environnementaux – créent ainsi diverses étiquettes épigénétiques durant toute la vie de l’individu », Isabelle Mansuy, directrice du laboratoire de neuro-épigénétique à l’Institut des neurosciences de l’université de Zurich (Suisse).
Grâce à l’épigénétique, nous comprenons que nous avons en partie le contrôle de nos gènes de par nos comportements et notre environnement, nous devenons « maître » de notre génétique.
Et au niveau cellulaire comment ça marche ?
Le corps humain est composé d’environ 40 000 milliards de cellules. Au cours de l’embryologie, les cellules embryonnaires se divisent et créent toutes les structures et les organes de notre corps. Jour après jour, nous perdons jusqu’à des centaines de milliards de cellules dû au vieillissement.
Si nous perdons tous les jours autant de cellules combien de jours peut-on espérer vivre ?
Nous pouvons survivre jour après jour parce que les cellules perdues sont remplacées par les cellules souches. Les cellules souches sont tout comme des cellules embryonnaires.
Faisons une expérience avec des cellules souches :
Mettons des cellules souches dans une boite de pétri avec un milieu de culture, la cellule va se multiplier par division cellulaire, c’est-à-dire qu’elle se clone car elle conserve le même patrimoine génétique. Une cellule peut se multiplier toutes les 10 ou 12 heures. Donc au bout de 10 h il y a 2 cellules, 10h plus tard 4, puis 8, 16…
Si vous mettez ces cellules au patrimoine génétique identique dans 3 boîtes de pétri contenant un milieu de culture différent en modifiant légèrement les propriétés chimiques du milieu dans la boite (équivalent du sang en laboratoire), dans le premier environnement, les cellules forment du muscle, dans le second des os et dans le troisième des cellules graisseuses.
C’est une information capitale : le déterminisme génétique, croyance selon laquelle le comportement humain est contrôlé par nos gènes qui seraient capables de s’activer et de se désactiver par eux même et non en lien grâce à environnement, est donc bien une hypothèse limitante !
Revenons à l’ADN et à son expression au cœur de la cellule
En 1953, Watson et Crick ont révélé au monde la nature de la double hélice de l’ADN. Cela reste une découverte majeure.
Cependant, Francis Crick est allé plus loin et a développé la croyance conventionnelle qui voudrait que les gènes contrôlent notre biologie. Les informations circuleraient de manière unidirectionnelle entre les gènes de l’ADN, l’ARN qui est une copie des gènes et les protéines qui sont les molécules créées avec les modèles des gènes.
En considérant ce flux comme unidirectionnel, cela ne permet pas à la cellule ou aux mécanismes protéiques donc au corps de modifier son propre destin génétique.
Cependant, comme expliqué ci-dessus avec l’expérience de clonage des cellules souches, nous avons montré que lorsque les signaux du milieu de croissance touchent la surface de la cellule, il y a un impact sur le devenir de la cellule, sa conformation et donc sur son expression génétique.
Les signaux de l’environnement sont captés par les récepteurs de la cellule et sont transmis via des protéines canaux. Un prochain épisode sera consacré à la membrane cellulaire, car son fonctionnement est fascinant.
De manière très simplifiée, lorsque les signaux entrent dans la cellule, ils peuvent atteindre son noyau dans lequel sont les chromosomes qui contiennent nos gènes. Le signal arrive et atteint une protéine régulatrice qui modifie l’enveloppe et expose l’ADN (modification des « trombones ») à une enzyme, qui en lisant l’ADN en crée une copie qui sera ensuite traduite en protéine (la chaine est plus complexe mais c’est simplifié pour la compréhension). Le gène peut alors de nouveau se replier et ne plus être accessible à la lecture. Pendant 50 ans nous avons considéré que l’ADN contrôlait notre propre activité mais l’ADN n’avait aucun contrôle car il nécessite un signal qui expose le gène pour être lu !
L’épigénétique liés aux signaux de l’environnement ne modifie donc pas le gène lui-même mais sa lecture. Le gène d’origine peut créer plus de 3000 protéines différentes à partir du même modèle génétique.
Quels sont les effets du stress démontrés par la science sur notre épigénétique ? (voir les travaux de Perla Kaliman, Docteur en biochimie et chercheuse à l’université de Catalogne en épigénétique).
Prenons l’exemple d’une expérience qui a été faite sur des rats en laboratoire. L’impact d’une carence maternelle sur la mère perturbe la méthylation de l’ADN des dix générations suivantes en changeant la méthylation du gène récepteur au cortisol. En d’autres mots, les enfants ont moins de résistance au stress une fois adulte. Une étude sur la transmission transgénérationnelle des rats montre donc bien une transmission du stress chronique par l’épigénétique. Il serait passionnant d’avoir les résultats d’une telle étude sur l’humain ! Mais ce n’est pas faisable à en raison de la durée de vie (il faudrait 10 siècles).
Des études sont en cours afin de comprendre les taux de méthylation de certains gènes chez les personnes atteintes de troubles bipolaires ou de schizophrénie.
Bonne nouvelle ! L’épigénétique nous permet de sortir du déterminisme génétique car elle est réversible.
Prenons l’exemple de l’impact de la méditation sur l’épigénétique.
Une étude sur la méditation a montré que pour un groupe de méditants expérimentés, 8h de méditation changeait la méthylation de l’ADN et permettait une meilleure réponse au stress.
Deux mécanismes principaux sont impliqués et aggravent la plupart des maladies chroniques : l’inflammation et le vieillissement cellulaire. Or il est démontré que le stress psychologique induit de l’inflammation qui est un facteur de risque de maladie chronique ( dépression, cancers, maladies cardiovasculaires) en perturbant l’axe HPA (hypothalamus/ hypophyse/glandes surrénales).
La méditation inhibe les mécanismes activés par le stress et réduit le risque d’inflammation. Au-delà des facteurs chimiques inflammatoires, l’âge biologique « « imprimé sur l’ADN » est mesurable par la longueur des télomères et l’horloge épigénétique.
C’est quoi les télomères ? Ce sont des séquences d’ADN répétitives ne contiennent pas de gènes : elles sont là pour préserver l’intégrité de notre patrimoine génétique. Mais à chaque fois qu’une cellule recopie son ADN avant de se diviser, elle perd un petit bout de télomère, comme une photocopieuse qui rogne les marges du document original. Tant et si bien que ces protections finissent par s’user… La cellule arrête alors de se diviser et de fonctionner normalement. Les chercheurs parlent de cellules « sénescentes », dont l’accumulation contribue au vieillissement de l’organisme. Les télomères sont des petits bouts de gènes non codants qui protègent le bout des gènes lors de leur lecture. Source Inserm
Le stress chronique provoque un raccourcissement des télomères et une accélération de l’horloge épigénétique. L’observation chez des méditants montre que trois semaines de méditation rallongent les télomères, plus les participants sont « présents », plus les télomères sont longs. Plus les méditants avaient pratiqué de nombreuses années, plus leur horloge épigénétique étaient ralentie.
Mais la méditation a également un impact sur la lecture du gène lui-même, c’est-à-dire sur les « trombones » dont nous venons de parler.
En effet, citons une autre étude qui a été faite en Colombie sur des adolescents ayant subi plus de 4 ACES (Adverse Childhood Expériences : échelle de mesure utilisée pour les traumatismes subis dans l’enfance). Après une retraite de 8 jours dans un environnement favorable: méditation, expression artistique, EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing, une thérapie brève), les résultats montrent qu’il y a une forte réduction des symptômes de stress post-traumatique (évitement et intrusion), une baisse des risques de dépression et de comportements déviants. Plus les abus étaient présents, plus l’horloge de vieillissement était élevée. Epigenetics and meditation – PubMed (nih.gov), étude de Perla Kaliman
Ce qui est fascinant, c’est qu’au-delà de l’impact comportemental, un changement de méthylation de l’ADN (les fameux « trombones »), une modification de la réponse immunitaire et endocrinienne est également constatée.